Gers : une bio championne
Le 13/06/2023
À l’image de d’Artagnan, le plus célèbre des Gascons, le Gers est champion de l’agriculture biologique. Où l’on découvre ici, dans les pas du magasin Les Jardins d’Augusta à Auch, des paysans et commerçants pluriactifs et fiers.
Par Pascale Solana
Yannick Ferronato
Gérant du magasin Biocoop Les Jardins d’Augusta à Auch et d’autres magasins Biocoop dans le Gers et les Landes
Yannick Ferronato (debout à droite) avec une partie de son équipe dans le magasin Biocoop à Auch.
Oh ! des biches ! Là, dans les haies… Bondissements et derrières blancs. Notre arrivée dans le vallon par le chemin plein d’ornières qui mène aux parcelles de Yannick et Thomas Ferronato les fait fuir. Père et fils produisent des salades, des fraises, des tomates… et élèvent quelques moutons. Yannick est aussi gérant de six magasins Biocoop de tailles variées dans le Gers et les Landes. On se demande comment il fait. Il court, un peu, beaucoup, passionnément en louant ses équipes.
On ne s’étonnera pas qu’il ait baptisé ses magasins « Jardins… », tel celui d’Auch, le plus ancien, Les jardins d’Augusta. Oui mais pourquoi Augusta ? En référence au nom romain d’Auch (prononcez oche), la plus grosse ville – 25 000 Auscitains – et capitale administrative du Gers qui, lui, tient son nom de la rivière qui le traverse. Yannick dit qu’il a l’agriculture dans les gènes. Et la bio dans le cœur depuis son installation dans les années 2000 après un parcours d’études bouclé par un stage à la Ferme de Sainte Marthe connue pour ses semences bio et anciennes.
Il explorera différentes formes de commercialisation, de la vente directe sur les marchés à la filière coopérative, et pensera création de magasins Biocoop en 2006. « On n’est pas que des épiciers ! s’exclame-t-il. Nous sommes aussi primeurs, fromagers…, spécialistes du frais. Par exemple, au rythme des saisons, nous sommes capables d’offrir des meules de comté ou de cantal frais ou affinés de collectifs agricoles comme des bûches de chèvres locales. » Et ça, c’est une histoire de lien à la production.
Les terres de d'Artagnan
« À l’image de son territoire, l’agriculture bio gersoise est très diversifiée, avec en tête les céréales, le soja, le tournesol, puis la polyculture-élevage, plutôt bovins ou ovins pour la viande, décrit Marie Garric, directrice de l’association des Bios du Gers. Vient ensuite la vigne, notamment au nord, sur les terres plus sèches et caillouteuses. » Le maraîcher-commerçant confirme : « On voit des productions un peu plus variées qu’en conventionnel avec des gens qui cherchent à aller plus loin dans la valorisation. Des céréaliers qui font des boissons végétales, des huiles, ou de la meunerie ou encore du pain, comme Patrice Bounet, l’un de nos boulangers qui est aussi paysan. »
Hormis la production de foie gras et de volailles grasses (alimentation forcée interdite), la bio décline aussi les spécialités gastronomiques du pays de d’Artagnan : côtes de Gascogne, armagnac, bœufs, volailles pour les garbures gasconnes, ou encore l’ail. Lucile Diana, Paysanne associée de Biocoop, le cultive sur un demi-hectare au sud d’Auch, à Maravat, là où les courbes des coteaux en pente douce se détachent sur la ligne bleue des Pyrénées au loin. Sous un lever ou un coucher de soleil, c’est si apaisant.
Un groupement agricole qui gère les débouchés permet à des paysans de consacrer plus de temps à certains aspects de leur production, comme le tressage à la main de l’ail, technique ancestrale que Lucile Diana, Paysanne associée de Biocoop, fait perdurer.
Des semis à la mi-novembre jusqu’à la récolte fin juin, en passant par le désherbage manuel, Lucile Diana travaille artisanalement. Après les avoir mises à sécher durant trois semaines sur barre, à l’ancienne, elle trie les têtes et les pèle avant de les tresser à la main. Cette technique ancestrale préférée au séchage artificiel ou à la mise en palox, comme le non-usage de la chimie de type antigerminatif pendant et après le cycle cultural, donne un ail de grande qualité qu’elle vend à Cabso, coopérative sociétaire de Biocoop près d’Agen. La contractualisation de volumes dans la durée lui apporte, dit-elle, une sécurité : « On a moins l’épée de Damoclès au-dessus de la tête pour écouler la récolte. »
Dynamisme bio
Yannick et Thomas Ferronato cultivent des melons, des fraises, des variétés anciennes de tomates, etc. à Pergain-Taillac.
En nombre d’exploitations comme en hectares, le Gers est parmi les départements les plus bio de France. L’effet tache d’huile des premiers agriculteurs biologiques, dont certains ont évolué vers la transformation offrant des débouchés aux suivants, a sans doute joué.
Entre autres facteurs de dynamisme peut-être, la présence d’Ecocert, contrôleur certificateur des débuts de l’histoire de la bio. « Situé à l’Isle-Jourdain, c’est l’un des plus gros employeurs de la région », observe Marie Garric. Comme ailleurs, la transmission et l’accès au foncier sont des sujets d’actualité, surtout à proximité de Toulouse (Haute-Garonne) et de ses installations aéronautiques, un bassin d’emplois en quête de campagne pour se loger. Mais la bio gersoise continue de recruter. Le nombre d’exploitations a quadruplé. D’aucuns prédisaient que toutes ces conversions bio, surtout céréalières, finiraient par revenir au conventionnel, une fois la période d’aides terminée. « Ça a fait parler, mais ça ne s’est pas produit. Convertir les grandes cultures induit des changements d’habitudes et des investissements en matériel pour désherber mécaniquement plutôt que chimiquement, sur lesquels on ne revient pas si vite. » Alors, tant mieux. Tant mieux parce que « la bio est un modèle d’agriculture durable, une réponse aux problèmes écologiques actuels », martèle Yannick.
Article extrait du n°128 de CULTURE BIO, le mag de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles.